La recette
traditionnelle des pâtes à la sauce « all’Amatriciana » est très
simple - à vrai dire, elle est tellement simple que pendant de longues années
elle n’avait pas attiré mon intérêt. La sauce ne contient pas d’herbes et d’épices
(à part le piment et un peu de poivre noir), même pas des oignons et d’ail, et
à l’origine, elle ne comportait non plus des tomates. Aujourd’hui encore, la
liste des ingrédients se limite à seulement six positions – mais qui sont bien
spécifiques et la rendent juste parfaite. Je
n’exagérai nullement si je vous dis qu’elle est devenue la recette familiale de
pâtes préférée, et que nous n’avons pas manqué beaucoup d’occasions de partager
notre enthousiasme autour de nous.
Les bucatini
all’Amatriciana sont un plat iconique de Latium et plus précisément de
la belle région d’Amatrice, devenue tristement célèbre après le tremblement de
terre de l’été dernier. ((Par pur hasard, nous venions de redécouvrir la recette
(et de tomber amoureux d’elle) peu avant cet événement, et bien que j’aie voulu
la publier tout de suite, je n’ai pas osé le faire par respect pour les
sentiments des personnes touchées par le séisme. Certains chefs de renommée (comme
Jamie Oliver, pour ne citer qu’un seul) ont bien mieux réagi, proposant à ces
clients de goûter ce plat avec une pensée pour les victimes et en reversant une
partie des bénéfices pour la reconstruction de la région.))
On dit qu’il y a bien
longtemps, la recette a été inventée par les bergers qui partaient dans les
montagnes et la préparaient avec ce qu’ils avaient sous la main : la
charcuterie locale, le fromage et les pâtes, sans oublier le vin (… laissez un
homme dans l’obligation de cuisiner avec ce qu’il a sous la main, et vous
pouvez être certain que dans 4 cas sur 5, vous aurez un résultat semblable à
celui-ci … J)
En parlant d’hommes,
je vous avoue que j’allais continuer à passer à côté de cette délicieuse
recette, si Monsieur D. n’avait pas effectué (et partagé avec moi) un tas de
recherches très poussées pour trouver la recette traditionnelle pour les bucatini que nous venions d’acheter.
Ces pâtes longues,
creuses, lisses et confortables (elles me renvoient dans mon enfance …) peuvent
être décrites comme un hybride entre les spaghetti et certaines pâtes courtes
trouées, comme les penne. Grâce à leur forme particulière, ils absorbent
merveilleusement les sauces tout en gardant une texture qui résiste
agréablement sous la dent. Ces pâtes sont typiques de la région de Rome (le Latium) et leur utilisation la plus
courante est dans les bucatini all’amatriciana.
Cependant, à l'origine
ce ne seraient pas les bucatini que l’on utilisait, mais des spaghetti « alla chitarra ».
Ces dernières sont des pâtes aux œufs de forme longue, d’une épaisseur de 2-3
mm et de section carrée. Les spaghetti
alla chitarra bénéficient de l'appellation « Produit agroalimentaire
traditionnel » ; je ne les jamais vus en France.
Ensuite arrive le guanciale, une charcuterie à base de
joue de porc, salée, parfumée aux épices et séchée. Mais là, comme ce produit
ne court pas les rues par ici, je me suis permis la liberté de le remplacer par
de vulgaires lardons fumés. Je ne devais pas, car le guanciale contient beaucoup plus de gras et n’est absolument pas
fumé ... mais nous avons beaucoup aimé et j’ai ensuite récidivé … On peut
(éventuellement) trouver du guanciale
dans certaines épiceries italiennes (dans ma région, je l’ai vu aux Halles de
Sète). Au cas où on n’est pas disposé à faire des kilomètres pour le chasser,
on peut le remplacer par la panchetta,
plus répandue (bien que ça reste toujours un autre produit …), ou avec de bons
lardons : c’est excellent, aussi.
Guanciale aux Halles de Sète
Le dernier ingrédient
principal de la recette, c’est le pecorino
romano (un AOP). Le pecorino est un fromage affiné à pâte pressée qui ressemble
au parmesan, mais qui est fabriqué avec de lait de brebis et pas de vache.
C’est formidable qu’on le trouve facilement en France, et qu’on peut également
l’acheter râpé et présenté en tout petits formats, parfaits pour un seul repas.
J’ai aussi testé la recette avec du pecorino
siciliano (ou picurinu sicilianu,
en sicilien) : ce fromage est plus gras et moins dur que le pecorino
romano, et sa pâte est ensemencée de graines entières de poivre noir. Ce
dernier point divise les opinions (« le poivre pique » …,
« il masque la saveur du fromage »,…), mais à la maison, on adore ! De plus, la
texture plus onctueuse du pecorino
siciliano sublime réellement les pâtes (mais bon, avec lui on sort de la
région de Rome…).
Les tomates se sont
rangées parmi les ingrédients assez tardivement (la recette serait née avant la
« découverte » de l’Amérique par Colomb), et elles sont toujours présentes
en quantité plutôt restreinte. On peut utiliser des tomates fraîches ou en
conserve, mais pour une fois, certains estiment qu’on obtient des meilleurs
résultats avec les tomates en boîte. C’est logique, parce que la recette est considérée
comme une préparation rapide – bien que quelques chefs préconisent de laisser
la sauce sur le feu pendant 1 ou 2 heures. Quand je ne suis pas pressée, je
préfère la version longue (avec 1 heure de cuisson) que je trouve plus
savoureuse. Dans tous les cas, on n’utilise que des tomates pelées, épépinées,
coupées en dés et égouttées, mais pour la version longue, on rajoutera petit à
petit le jus récupéré des tomates, et même un peu d’eau.
Enfin, on doit ajouter
du vin blanc (je vous laisse imaginer un vin blanc des plateaux ensoleillés de
l’Italie centrale) et un petit piment fort (peperoncino)
émietté qui apportera du piquant sans modifier les saveurs. Je rajoute aussi du
poivre noir : sa présence me semble justifiée par le fait que les Romains
excellaient dans le commerce du poivre noir et qu’ils l’appréciaient, mais
aussi parce que c’est meilleur (ou c’est ce que nous pensons, au moins).
Bucatini
all'Amatriciana
Ingrédients :
(Pour 4 personnes)
400 g de bucatini (ou des spaghetti
alla chitarra, ou encore des
spaghetti ordinaires, penne, rigatoni, etc.)
80 g de guanciale coupé en dés (ou de panchetta, ou des
lardons de bonne qualité)
1 petit piment rouge séché, émietté
Un peu de vin blanc (30 - 50 ml)
1 petite boîte (400 g) de tomates pelées, en dés
80 g de pecorino, pour servir
Facultatif : un peu de sel et du poivre
noir du moulin
Préparation :
Laissez égoutter les dés de tomates dans une passoire.
Mettez les dés de guanciale (ou ses remplaçants) à sec dans
une sauteuse froide. Placez sur feu vif et attendez que la graisse fonde (si
vous utiliser des lardons, vous pouvez rajouter 2 c. s. d’huile d’olive).
Ajoutez le piment et le poivre noir et faites rissoler pour environ 5 minutes.
Déglacez avec un peu de vin blanc et laissez cuire jusqu'à son évaporation
complète. Rajoutez les dés de tomates égouttés. Laissez cuire sans couvrir, en
remuant régulièrement et en écrasant les tomates, pendant environ un quart
d’heure ou jusqu’à ce que la sauce épaississe.
(Note : cette sauce peut être laissée cuire une, voire deux
heures à feu doux, mais dans ce cas, rajoutez petit à petit le jus extrait des
tomates et remuez
régulièrement). Goûtez et salez, si nécessaire.
Pendant ce temps, faites cuire les pâtes dans une casserole
avec 4 litres d’eau bouillante salée jusqu’à ce qu’elles soient al dente (environ 8 minutes pour les
bucatini). Égouttez et transférez dans la sauteuse avec la sauce. Mélangez
bien, transférez dans les assiettes et garnissez généreusement de pecorino
râpé.
J'ai fait cette recette juste après le drame de la région, j'ai suivi les conseils de Edda du blog Un déjeuner de soleil et j'avais trouvé du guanciale sur un site internet bienmanger.com, mais comme je vais de temps en temps à Sete,je ne manque plus de m'approvisionner aux épiceries italiennes , quelle merveille les halles de Sete, j'adore l'ambiance
RépondreSupprimerJe viens de lire la recette de Edda, elle donne de précieux conseils ! J'ai beaucoup aimé sa manière de qualifier l'oignon d'ingrédient "très facultatif" :)
SupprimerEt je suis tout à fait d'accord avec toi que les Halles de Sète regorgent de trésors !
A tester de toute urgence, tu en parles si bien qu'on a envie de les dévorer sur le champ !
RépondreSupprimerMerci beaucoup, Isabelle ! Moi, qui ne jure que par les épices, j'ai été totalement surprise et conquise par cette recette.
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