mercredi 17 novembre 2021

Banitza sas sirene (Feuilleté bulgare au fromage), etc.

 



La banitza est l’une des spécialités culinaires les plus emblématiques de la Bulgarie. On peut la décrire comme une espèce de tourte salée, composée de fines feuilles de pâte garnies de divers ingrédients, bien que la variante la plus populaire reste la banitza au fromage (Баница със сирене). Depuis des temps immémorables, on la dégustait à chaque grand évènement, depuis le baptême au mariage, sans oublier les fêtes de village ; maintenant, on la trouve à chaque coin de rue, surtout dans la capitale. Elle y est le plus souvent vendue dans les échoppes spécialisées, appelées « banitcharnitza ». Ici, elle est souvent cuite sur place et peut être achetée à la pièce ou au kilo (mais les banitzi ne sont pas partout pareilles ; au cas où cela vous intéresse, je peux vous indiquer mon adresse préférée).


Banitza au fromage, vendue au kilo dans une banitcharnitza de Sofia


La banitza est très appréciée par les Bulgares qui en consomment beaucoup (essentiellement au petit déjeuner !), et sont attachés à elle comme à un symbole identitaire. Elle fait partie intégrante des dictons et des fables populaires du pays, où son image est chargée d’à peu près la même symbolique que le gâteau l’est pour les Français. C’est un mets populaire qui a le mérite d’être goûteux, réconfortant et rassasiant, tout en restant bon marché. Aucune de ces particularités n’est à négliger ; pendant les périodes de crise, les banitcharnitzi devenaient nos cantines (tout en étant grandement responsables de l’augmentation de la moyenne du tour de taille de la population ...)

Les Bulgares continuent à préparer également des banitzi (pluriel de banitza) à la maison. Jadis, les feuilles de pâte (composée uniquement de farine et de l’eau), qui doivent être assez grandes mais aussi tellement fines que la lumière puisse passer à travers, étaient étalées à la main, par un long procédé qui demandait une grande expérience et une certaine dextérité. Mais depuis des décennies, on utilise plutôt une pâte fabriquée industriellement qui se rapproche le plus à la pâte filo qu’on trouve assez aisément dans les supermarchés français.

Pour la farce, on a besoin d’un fromage en saumure ou « byalo sirene » (« бяло сирене », qui se traduit par « fromage blanc ») rappelant la feta ; on le trouve dans les épiceries spécialisées en produits d’Europe de l’Est, mais on peut le remplacer par la feta, justement, ou par ce fromage français qu’on trouve sur les rayons de crémerie sous la nomination de « brebis ».

A part le fromage, la farce de ces banitzi contient souvent des œufs, du lait caillé ou du yaourt. On n’en mettait pas auparavant : comme disait ma grand-mère paternelle, auprès de laquelle j’apprenais à étaler la pâte, sans un très grand succès, « Chacun peut faire une banitza, pourvu qu’il dispose de trois blancs ». Ces trois blancs étaient la farine, le fromage et le saindoux, étant donné que ce dernier était souvent utilisé comme l’unique graisse de cuisson. Ma grand-mère, qui se souciait beaucoup de l’alimentation saine, se moquait de cette habitude arriérée, me racontant que plus une banitza était grasse, plus elle était appréciée et flattée par les convives ! En fait, comme un peu partout à cette époque, la quantité de graisse de porc dont une famille disposait témoignait de sa richesse. Plus tard (et d’aussi loin que je m’en souvienne) le saindoux a été remplacé par l’huile ou le beurre, ou par un mélange des deux. Ouf !

Parfois, on rajoute dans la farce du bicarbonate de soude ou de l’eau gazeuse afin que la banitza puisse gonfler. Je me rappelle (maintenant, ce souvenir me fait sourire, mais avant, beaucoup moins) que maman envoyait mon frère au dernier moment acheter de l’eau gazeuse au supermarché d’en face, et quand il n’y en avait pas, il prenait une bouteille de limonade, et on mangeait une banitza à la limonade … que j’aimais bien, en fait.

J’aimais beaucoup aussi la banitza salée-sucrée qu’on mangeait seulement au Réveillon du Nouvel An (et qui se faisait pour le jour du Noël auparavant, avant que la fête de Noël ne soit interdite). Dans celle-ci, en plus du fromage et du sucre, on mettait une monnaie, ainsi que de petits bouts de branches de cornouiller. Dans le passé, on utilisait ces derniers pour prédire ce que l’avenir nous réserve pour l’année prochaine : par exemple, celui qui trouvait dans son morceau le bout portant un seul bourgeon, serait en bonne santé, deux bourgeons symbolisaient le bonheur, trois, la réussite, et ainsi de suite. Evidemment, la monnaie était pour la richesse. Quand j’étais petite, on ne comptait plus les bourgeons, maman écrivait les vœux sur des petits papiers de riz qu’elle enroulait autour des branches de cornouiller – qui, en plus, apportaient un arôme spécifique, très agréable et inégalable.

Mais en plus de la banitza au fromage, la plus consommée, existent aussi d’autres variétés. Ainsi, la banitza aux épinards se rapproche assez à la spanakopita grecque (recette ici) ; elle peut être faite avec ou sans fromage.

Banitza aux épinards

La banitza aux poireaux est très savoureuse et peut également contenir – ou pas – du fromage et/ou des œufs ; il y a aussi une variante au boulgour qui était la préférée de mon grand-père maternel, avant la disparition totale du boulgour du pays au cours de l’économie planifiée (il était tellement content de pouvoir la manger de nouveau après la réouverture du marché !).


 Banitza aux poireaux et au boulgour

Une fois, lors d’une visite de parents de mon mari dans la région montagneuse des Rhodopes, où une cuisine spécifique et traditionnelle est sauvegardée, nous avons goûté une variété locale qu’une vieille femme était venue préparer spécialement pour l’occasion, car cette banitza contenait du riz et des pommes de terre et seuls les locaux étaient capables de la faire – un peu de maladresse et elle pouvait devenir fade et sans aucun intérêt …

Une autre fois, j’ai goûté une banitza à la viande hachée ; on m’avait beaucoup parlé de cette spécialité (la viande, ça faisait rêver…), mais je l’ai trouvée lourde et ne l’ai pas beaucoup apprécié. Enfin, quand j’étais enfant, la seule banitza du commerce que j’aimais, ne contenait ni de fromage, ni des œufs, mais uniquement du beurre.

Il y a également des versions sucrées, mais elles portent habituellement des noms spécifiques. Ainsi, les Bulgares ont l’habitude des strudels aux pommes, considéré un peu comme une spécialité locale et que certains appellent « banitza au pommes » (ma recette est ici), et surtout au tikvenik, connu comme banitza au potiron (recette ici).


 Banitza au potiron (Tikvenik)

Et la forme de la banitza ??? Il y en a deux principales : la banitza roulée et la banitza, disons, superposée. Pour la première, on met la farce sur une - deux feuilles graissées qui sont ensuite roulées sur elles-mêmes, puis posées dans un plat rond en forme de spirale, ou d’escargot. Pour la deuxième, on superpose les feuilles, en alternant avec la farce.

Après, il y a toute sorte de formes intermédiaires ou fantaisistes, qui permettent d’exprimer sa créativité. Ainsi, avec ma mère, qui est connue et reconnue par tous les proches et les voisins pour ses banitzas, nous avons testé plein, comme cette banitza aux feuilles garnies, roulées, puis coupées et rangées verticalement :


Ma fille, quant à elle, a adopté la banitza façonnée à la mode d’une tourte (illustré dans le billet pour la spanakopita) :



J’aime beaucoup aussi les banitzi individuelles (pliées en triangle comme des samossas ou bien roulées) qu’on peut déguster à l’heure de l’apéro ou emporter pour un pique-nique :


Enfin, ma grand-mère maternelle était très douée dans la préparation d’une forme ancestrale, plus rustique, de banitzi individuelles appelées « kartalatzi » qu’elle confectionnait à partir d’une feuille étalée à la main, puis repliée d’une certaine manière (je dois sûrement publier un billet spécial pour vous donner une idée …). Elle les faisait ensuite cuire sur une épaisse plaque en terre cuite posée directement sur le feu de bois, au contact de laquelle la pâte se couvrait de cloques noires et se chargeait d’une saveur divine.


 Les banitzi individuelles « kartalatzi »

 

 Feuilleté au fromage (Banitza) 


Ingrédients :

10 feuilles de pâte filo

Environ 60 g de beurre fondu (ou un mélange beurre / huile : j’utilise souvent un tiers d’huile d’olive au goût neutre)

200 g de fromage de feta ou de brebis

2 œufs (ou plus, si vous voulez)

Facultatif : 250 g de yaourt nature

Préparation :

Graissez un plat rond d’un diamètre d’environ 30 cm avec un peu de beurre fondu (vous pouvez également couvrir le plat avec du papier cuisson, en le graissant légèrement).

Dans un bol, mélangez les œufs battus avec la feta grossièrement émiettée, et éventuellement, le yaourt (il est inutile de lissez le mélange).

Prenez une feuille de filo (couvrez les autres feuilles de filo d’un linge légèrement humide, parce qu’elles deviennent très rapidement sèches et cassantes) et étalez-la sur le plan de travail, puis badigeonnez-la avec un peu de beurre (ou mélange beurre-huile) à l’aide d’un pinceau. Couvrez-la d’une deuxième feuille que vous allez également badigeonner de beurre.

Répartissez dessus un cinquième du mélange au fromage, en faisant des petits tas. Enroulez ensemble les deux feuilles pour former un saucisson, sans serrer, puis posez-les en forme de cercle au milieu du plat graissé.

Garnissez de la même façon le reste des feuilles et rangez-les au fur et à mesure dans le plat en formant une spirale resserrée.

(Vous pouvez également superposer les feuilles badigeonnées dans un plat rectangulaire, en distribuant la farce en quatre fois entre les couples de feuilles.)

Badigeonnez le dessus avec le beurre restant.

Mettez dans la partie basse du four préchauffé à 180°C. Laissez cuire pendant 10 minutes à chaleur d’en bas, puis encore 20 à 30 minutes à chaleur classique. Vérifiez la cuisson après 20 minutes et, si nécessaire, protégez la surface en la couvrant avec du papier cuisson.

Laissez reposer 5 minutes après la sortie du four et servez chaud.


14 commentaires:

  1. je me suis régalée à la lecture de cet article et en même temps j'ai fait un beau vopyage dans un pays qui m'est inconnu, merci beaucoup !

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  2. Comme mamie Caillou, je me suis régalée à la lecture de l'article, d'autant plus que je suis déjà allée en Bulgarie et que j'ai adoré aussi bien le pays, les gens et la nourriture. Je vais très vite tester ta recette !

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