La banitza est l’une des spécialités culinaires les
plus emblématiques de la Bulgarie. On peut la décrire comme une espèce de
tourte salée, composée de fines feuilles de pâte garnies de divers ingrédients,
bien que la variante la plus populaire reste la banitza au fromage (Баница със сирене). Depuis des temps immémorables, on la dégustait à
chaque grand évènement, depuis le baptême au mariage, sans oublier les fêtes de
village ; maintenant, on la trouve à chaque coin de rue, surtout dans la
capitale. Elle y est le plus souvent vendue dans les échoppes spécialisées,
appelées « banitcharnitza ». Ici, elle est souvent cuite sur place et
peut être achetée à la pièce ou au kilo (mais les banitzi ne sont pas partout pareilles ;
au cas où cela vous intéresse, je peux vous indiquer mon adresse préférée).
Banitza au fromage, vendue au kilo dans une banitcharnitza de Sofia
Les Bulgares continuent à préparer également des banitzi (pluriel de banitza) à la maison. Jadis, les feuilles de pâte (composée uniquement de farine et de l’eau), qui doivent être assez grandes mais aussi tellement fines que la lumière puisse passer à travers, étaient étalées à la main, par un long procédé qui demandait une grande expérience et une certaine dextérité. Mais depuis des décennies, on utilise plutôt une pâte fabriquée industriellement qui se rapproche le plus à la pâte filo qu’on trouve assez aisément dans les supermarchés français.
Pour la farce, on a besoin d’un fromage en saumure ou « byalo sirene » (« бяло сирене », qui se traduit par « fromage blanc ») rappelant la feta ; on le trouve dans les épiceries spécialisées en produits d’Europe de l’Est, mais on peut le remplacer par la feta, justement, ou par ce fromage français qu’on trouve sur les rayons de crémerie sous la nomination de « brebis ».
A part le fromage, la farce de ces banitzi contient souvent
des œufs, du lait caillé ou du yaourt. On n’en mettait pas auparavant :
comme disait ma grand-mère paternelle, auprès de laquelle j’apprenais à étaler
la pâte, sans un très grand succès, « Chacun peut faire une banitza, pourvu
qu’il dispose de trois blancs ». Ces trois blancs étaient la farine, le
fromage et le saindoux, étant donné que ce dernier était souvent utilisé comme l’unique
graisse de cuisson. Ma grand-mère, qui se souciait beaucoup de l’alimentation
saine, se moquait de cette habitude arriérée, me racontant que plus une banitza
était grasse, plus elle était appréciée et flattée par les convives ! En fait,
comme un peu partout à cette époque, la quantité de graisse de porc dont une
famille disposait témoignait de sa richesse. Plus tard (et d’aussi loin que je
m’en souvienne) le saindoux a été remplacé par l’huile ou le beurre, ou par un
mélange des deux. Ouf !
Parfois, on rajoute dans la farce du bicarbonate de soude ou de l’eau gazeuse afin que la banitza puisse gonfler. Je me rappelle (maintenant, ce souvenir me fait sourire, mais avant, beaucoup moins) que maman envoyait mon frère au dernier moment acheter de l’eau gazeuse au supermarché d’en face, et quand il n’y en avait pas, il prenait une bouteille de limonade, et on mangeait une banitza à la limonade … que j’aimais bien, en fait.
J’aimais beaucoup aussi la banitza salée-sucrée qu’on mangeait seulement au Réveillon du Nouvel An (et qui se faisait pour le jour du Noël auparavant, avant que la fête de Noël ne soit interdite). Dans celle-ci, en plus du fromage et du sucre, on mettait une monnaie, ainsi que de petits bouts de branches de cornouiller. Dans le passé, on utilisait ces derniers pour prédire ce que l’avenir nous réserve pour l’année prochaine : par exemple, celui qui trouvait dans son morceau le bout portant un seul bourgeon, serait en bonne santé, deux bourgeons symbolisaient le bonheur, trois, la réussite, et ainsi de suite. Evidemment, la monnaie était pour la richesse. Quand j’étais petite, on ne comptait plus les bourgeons, maman écrivait les vœux sur des petits papiers de riz qu’elle enroulait autour des branches de cornouiller – qui, en plus, apportaient un arôme spécifique, très agréable et inégalable.
Mais en plus de la banitza au fromage, la plus consommée, existent aussi d’autres variétés. Ainsi, la banitza aux épinards se rapproche assez à la spanakopita grecque (recette ici) ; elle peut être faite avec ou sans fromage.
Banitza aux épinards
La banitza aux poireaux est très savoureuse et peut également contenir – ou pas – du fromage et/ou des œufs ; il y a aussi une variante au boulgour qui était la préférée de mon grand-père maternel, avant la disparition totale du boulgour du pays au cours de l’économie planifiée (il était tellement content de pouvoir la manger de nouveau après la réouverture du marché !).
Une fois, lors d’une visite de parents de mon mari dans la région montagneuse des Rhodopes, où une cuisine spécifique et traditionnelle est sauvegardée, nous avons goûté une variété locale qu’une vieille femme était venue préparer spécialement pour l’occasion, car cette banitza contenait du riz et des pommes de terre et seuls les locaux étaient capables de la faire – un peu de maladresse et elle pouvait devenir fade et sans aucun intérêt …
Une autre fois, j’ai goûté une banitza à la viande
hachée ; on m’avait beaucoup parlé de cette spécialité (la viande, ça
faisait rêver…), mais je l’ai trouvée lourde et ne l’ai pas beaucoup apprécié. Enfin,
quand j’étais enfant, la seule banitza du commerce que j’aimais, ne contenait
ni de fromage, ni des œufs, mais uniquement du beurre.
Il y a également des versions sucrées, mais elles portent habituellement des noms spécifiques. Ainsi, les Bulgares ont l’habitude des strudels aux pommes, considéré un peu comme une spécialité locale et que certains appellent « banitza au pommes » (ma recette est ici), et surtout au tikvenik, connu comme banitza au potiron (recette ici).
Et la forme de la
banitza ??? Il y en a deux principales : la banitza roulée et la
banitza, disons, superposée. Pour la première, on met la farce sur une - deux
feuilles graissées qui sont ensuite roulées sur elles-mêmes, puis posées dans
un plat rond en forme de spirale, ou d’escargot. Pour la deuxième, on superpose
les feuilles, en alternant avec la farce.
Après, il y a toute sorte de formes intermédiaires
ou fantaisistes, qui permettent d’exprimer sa créativité. Ainsi, avec ma mère,
qui est connue et reconnue par tous les proches et les voisins pour ses banitzas,
nous avons testé plein, comme cette banitza aux feuilles garnies, roulées, puis
coupées et rangées verticalement :
Ma fille, quant à elle, a adopté la banitza façonnée à la mode d’une tourte (illustré dans le billet pour la spanakopita) :
J’aime beaucoup aussi les banitzi individuelles (pliées en triangle comme des samossas ou bien roulées) qu’on peut déguster à l’heure de l’apéro ou emporter pour un pique-nique :
Enfin, ma grand-mère maternelle était très douée dans
la préparation d’une forme ancestrale, plus rustique, de banitzi individuelles appelées
« kartalatzi » qu’elle confectionnait à partir d’une feuille étalée à
la main, puis repliée d’une certaine manière (je dois sûrement publier un
billet spécial pour vous donner une idée …). Elle les faisait ensuite cuire
sur une épaisse plaque en terre cuite posée directement sur le feu de bois, au
contact de laquelle la pâte se couvrait de cloques noires et se chargeait d’une
saveur divine.
Ingrédients
:
10 feuilles
de pâte filo
Environ 60 g
de beurre fondu (ou un mélange beurre / huile : j’utilise souvent un tiers
d’huile d’olive au goût neutre)
200 g de fromage
de feta ou de brebis
2 œufs (ou
plus, si vous voulez)
Facultatif : 250 g de yaourt nature
Préparation :
Graissez un
plat rond d’un diamètre d’environ 30 cm avec un peu de beurre fondu (vous
pouvez également couvrir le plat avec du papier cuisson, en le graissant
légèrement).
Dans un bol,
mélangez les œufs battus avec la feta grossièrement émiettée, et
éventuellement, le yaourt (il est inutile de lissez le mélange).
Prenez une
feuille de filo (couvrez les autres feuilles de filo d’un linge légèrement
humide, parce qu’elles deviennent très rapidement sèches et cassantes) et étalez-la
sur le plan de travail, puis badigeonnez-la avec un peu de beurre (ou mélange beurre-huile)
à l’aide d’un pinceau. Couvrez-la d’une deuxième feuille que vous allez
également badigeonner de beurre.
Répartissez
dessus un cinquième du mélange au fromage, en faisant des petits tas. Enroulez
ensemble les deux feuilles pour former un saucisson, sans serrer, puis
posez-les en forme de cercle au milieu du plat graissé.
Garnissez de
la même façon le reste des feuilles et rangez-les au fur et à mesure dans le
plat en formant une spirale resserrée.
(Vous pouvez
également superposer les feuilles badigeonnées dans un plat rectangulaire, en
distribuant la farce en quatre fois entre les couples de feuilles.)
Badigeonnez
le dessus avec le beurre restant.
Mettez dans
la partie basse du four préchauffé à 180°C. Laissez cuire pendant 10 minutes à
chaleur d’en bas, puis encore 20 à 30 minutes à chaleur classique. Vérifiez la
cuisson après 20 minutes et, si nécessaire, protégez la surface en la couvrant
avec du papier cuisson.
Laissez reposer 5 minutes après la sortie du four et servez chaud.
je me suis régalée à la lecture de cet article et en même temps j'ai fait un beau vopyage dans un pays qui m'est inconnu, merci beaucoup !
RépondreSupprimerMerci à vous pour le gentil commentaire !
SupprimerComme mamie Caillou, je me suis régalée à la lecture de l'article, d'autant plus que je suis déjà allée en Bulgarie et que j'ai adoré aussi bien le pays, les gens et la nourriture. Je vais très vite tester ta recette !
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